L’empathie est un concept souvent utilisé dans le langage courant, mais qui prête à confusion. On la confond fréquemment avec la sympathie ou la compassion. Pourtant, ces notions sont différentes, tant sur le plan psychologique que neurobiologique.
Définition scientifique de l’empathie
Selon Decety & Jackson (2004), l’empathie est la capacité à percevoir, comprendre et ressentir les émotions d’autrui tout en restant conscient que ces émotions appartiennent à l’autre.
L’empathie comporte plusieurs composantes :
Composante de l’empathie | Description |
---|---|
Composante cognitive | Comprendre l’état émotionnel ou mental d’autrui (par ex. : « Je comprends qu’il est triste »). |
Composante affective | Ressentir une résonance émotionnelle en lien avec l’état de l’autre (par ex. : ressentir de la tristesse en voyant quelqu’un pleurer). |
Auto-régulation émotionnelle | Capacité à garder une distinction entre soi et l’autre, sans être submergé par l’émotion. |
Source : Decety & Jackson, 2004 ; Singer & Klimecki, 2014.
La différence entre empathie, sympathie et compassion
1. Empathie ≠ Sympathie
Empathie | Sympathie |
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Ressentir et comprendre ce que l’autre ressent, tout en maintenant une distance émotionnelle saine. | Ressentir de la tristesse ou de la peine pour l’autre, mais sans nécessairement comprendre ou partager son vécu émotionnel. |
Exemples : « Je comprends ta douleur et je la ressens en écho » | Exemples : « Je me sens désolé pour toi » |
Base de la régulation émotionnelle et de la compréhension sociale | Plutôt une réaction émotionnelle spontanée, orientée vers la pitié ou la tristesse |
Source : Eisenberg et al., 1994 ; Batson, 2009.
2. Empathie ≠ Compassion
Empathie | Compassion |
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Résonance émotionnelle sans action obligatoire. | Inclut un désir actif de soulager la souffrance de l’autre. |
Peut être douloureuse sans forcément mener à l’action. | Mobilise des émotions prosociales comme la bienveillance, l’engagement à aider. |
Liée aux circuits neuronaux de la perception de la douleur de l’autre (insula, cortex cingulaire antérieur). | Active des régions cérébrales associées aux émotions positives et à la motivation d’aider (striatum ventral, cortex orbitofrontal). |
Source : Singer & Klimecki, 2014 ; Goetz et al., 2010.
Tableau récapitulatif :
Concept | Définition | Exemple |
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Empathie | Ressentir et comprendre l’état émotionnel d’autrui, tout en gardant la conscience que c’est l’émotion de l’autre. | Ressentir de la tristesse en voyant un ami pleurer. |
Sympathie | Ressentir de la peine ou de la pitié pour quelqu’un, sans vraiment partager son vécu émotionnel. | Dire à un collègue malade : « Je suis désolé pour toi. » |
Compassion | Ressentir l’émotion de l’autre + souhaiter activement l’aider à soulager sa souffrance. | Voir un sans-abri dans la rue, ressentir de la tristesse et lui offrir de l’aide. |
Pourquoi faire la distinction est important ?
Dans les métiers de l’aide (psychologues, soignants, enseignants, éducateurs), confondre empathie et compassion peut mener à l’épuisement émotionnel.
Une empathie excessive et non régulée (appelée « distress empathique ») peut provoquer un stress intense, tandis que la compassion est associée à plus de bien-être émotionnel, car elle active les réseaux cérébraux liés à la motivation et aux émotions positives (Klimecki et al., 2014).
Exemple :
- Trop d’empathie sans régulation = surcharge émotionnelle, burnout
- Compassion entraînée = engagement positif, protection contre le stress émotionnel
Sources scientifiques :
- Decety, J., & Jackson, P. L. (2004). The functional architecture of human empathy. Behavioral and Cognitive Neuroscience Reviews.
- Singer, T., & Klimecki, O. (2014). Empathy and compassion. Current Biology.
- Eisenberg, N., et al. (1994). Sympathy and empathy: Distinctive but related constructs. Psychological Bulletin.
- Batson, C. D. (2009). These things called empathy: Eight related but distinct phenomena. The Social Neuroscience of Empathy.
- Goetz, J. L., et al. (2010). Compassion: An evolutionary analysis and empirical review. Psychological Bulletin.
- Klimecki, O. M., et al. (2014). Differential pattern of functional brain plasticity after compassion and empathy training. Social Cognitive and Affective Neuroscience.
En résumé :
L’empathie, c’est ressentir et comprendre.
La sympathie, c’est compatir sans forcément comprendre.
La compassion, c’est vouloir agir pour soulager la souffrance.
Savoir faire la différence, c’est mieux accompagner les autres… tout en se protégeant émotionnellement.